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Investir sur le marché secondaire en private equity

Bienvenue dans ce nouvel épisode de notre podcast « Dans l’oreillette », un format exclusivement dédié à la Gestion Privée et Gestion de Fortune. Aujourd’hui, nous allons parler d’une stratégie qui gagne du terrain dans l’univers du private equity, en particulier dans un environnement économique tendu : le marché secondaire.

Pour ce nouvel épisode, nous accueillons Sophie Lam-Detrait, responsable de l’offre Non Coté chez Cyrus Herez.

On parle de stratégie secondaire, peux-tu nous dire ce que cela signifie ?

Sophie Lam-Detrait : La stratégie de secondaire consiste à acheter des parts de fonds, de private equity ou de dette privée, qui s’échangent sur un marché de gré à gré. 

On va dire que je suis un fonds de dotation de l’université de Yale, je me suis engagée auprès d’une centaine de fonds sur plusieurs années, 20 d’entre eux ne sont plus considérés comme mon cœur de portefeuille et en parallèle, je subis des coupes dans les financements fédéraux. J’ai un besoin de liquidités. Je décide donc de mettre en vente, jusqu’à 6Mds d’encours. Je reste engagé dans le private equity car ce sont des actifs de long terme que j’adosse à mon passif de long terme.

En face, les acteurs du secondaire, achètent ces parts de fonds, ils se substituent à Yale et reprennent ses engagements.

Pourquoi le font-ils ?  Parce qu’ils veulent accéder aux GP (General Partner) de qualité qui accompagnent activement une quinzaine d’entreprises depuis 4 à 5 ans. Et qu’il y a encore de la valeur à créer. Je vois l’acheteur en secondaire comme un collectionneur d’art. Il achète des œuvres déjà reconnues, pour le prestige social et dont la valeur marchande est établie.

Si ce sont de beaux actifs, risque-t-on de surpayer ?

S.L-D. : Pas vraiment, l’acheteur fait face à un vendeur contraint, il peut même acheter avec une décote par rapport à la dernière valorisation.

Cela parait contre intuitif de penser qu’on peut acheter de beaux actifs avec une décote. Pourtant, imaginons que j’ai un appartement parisien, et j’ai un projet de vie dans le sud ouest. J’ai besoin de vendre à Paris et j’ai besoin de liquidité pour financer les travaux dans le sud ouest. Et j’ai même besoin d’habiter gratuitement pendant 6 mois à Paris le temps des travaux. Cette complexité dans mes besoins va créer une décote.

Le marché du secondaire apporte de la liquidité à des actifs par nature illiquides. S’il a servi à vendre des queues de portefeuille auparavant, ce n’est plus le cas. Les institutionnels ont besoin d’une gestion plus active de leur portefeuille. Et le marché du secondaire est un débouché naturel.

C’est un marché encore sous-capitalisé qui a atteint des records de transactions avec 160Mds l’année dernière. Mais par rapport aux 6tr d’encours de private equity, on parle de moins de 3%. On a encore un potentiel de croissance à venir.

On achète de beaux actifs avec une décote, mais cette décote est-elle vouée à perdurer ?

S.L-D. : Tant que les institutionnels font face à des pressions financières, règlementaires ou stratégiques, ce besoin de liquidité perdurera, et donc la décote perdurera.

Si je rajoute du stress économique, moi, Yale, je suis plus enclin à liquider les actifs, et l’acheteur en face va exiger une compensation plus importante parce que la macroéconomie est incertaine. Les décotes vont même s’accentuer.

A contrario, si je suis dans une période d’accalmie, l’acheteur en face exige une décote pour compenser le risque lié à l’asymétrie d’information. Ce facteur est peu susceptible de changer.

La décote est structurelle lorsque c’est l’institutionnel qui initie la transaction.

En moyenne une transaction secondaire sur les 2 décennies passées a été négociée avec une décote de 14%.

La stratégie du secondaire se résume donc à acheter de beaux actifs avec une décote ?

S.L-D. : En réalité, un acheteur de secondaire ne le fait pas que pour la décote, la stratégie du secondaire lui permet de diminuer son risque, de 3 façons :

  1. En ayant une visibilité sur ce qu’il achète, les portefeuilles des 20 GP (General Partners) sont déjà constitués.
  2. En diversifiant le risque spécifique : avec les 20 fonds de private equity de Yale, il touche 300 entreprises, 20×15 en 1 seule transaction, s’il fait 10 transactions, il touche 3000 entreprises.
  3. En diversifiant les expertises, il atteint des gérants spécialisés dans leur domaine, un sous-secteur ou une zone géographique ou une typologie d’entreprise.

Mais ce n’est pas tout, comme les entreprises en portefeuille sont accompagnées par les GP depuis 4 à 5 ans, on est plus proche de la sortie. Eh oui ! Le secondaire va générer un retour de cash plus rapidement.

Un acheteur secondaire peut aussi entrer dans une transaction initiée par le GP lui-même qui va donner la liquidité à ses actionnaires. Il met ses meilleures entreprises prometteuses dans un fonds de continuation, comme son nom l’indique, pour continuer à les développer. Dans ce cas, il n’y a pas de décote.

Tu sais, ce n’est pas la décote qui fait majoritairement la performance du secondaire, mais la qualité des actifs. Retiens que rajouter du secondaire permet de diminuer le risque global de son portefeuille. Et le taux de perte historique est plutôt bas.

Qui sont ces acheteurs de secondaire ? Et est-ce un marché ouvert à nos clients ?

S.L-D. : Ce sont d’autres institutionnels, des fonds souverains, des family offices qui ont besoin de changer d’allocation, des particuliers fortunés qui y vont en direct, et … des fonds secondaires.

On embarque nos clients avec un gérant de secondaire qui a construit une réputation et des réseaux, pour sourcer et faire les diligences nécessaires.

Nos clients historiques sont des entrepreneurs investis sur le private equity primaire, ils sont prêts à abandonner un peu d’espérance de rendement, en contrepartie d’un risque moindre et d’un retour de cash plus rapide.

A côté de nos clients historiques, nous avons également des clients moins familiers avec la classe d’actifs et qui ont toutefois envie de rentrer dans l’aventure. Le secondaire, c’est un moyen de leur donner une première expérience concluante parce que, la diversification est immédiate, la revalorisation est plus rapide et gomme la courbe en J, le cash revient plus tôt, le cycle d’investissement est plus court, bref, tous ces éléments sont de nature à rassurer.

Nos clients ont donc accès à la stratégie du secondaire à travers des fonds secondaires, les maturités sont-elles plus courtes ?

S.L-D. : En réalité, beaucoup de nos clients ne veulent pas être traités comme des institutionnels avec toutes les complexités opérationnelles que cela implique.

  • Ils veulent déléguer la gestion de leur trésorerie,
  • ils veulent réinvestir pour ne pas perdre de temps,
  • ils veulent une forme de liquidité en cas de coup dur.

En revanche ils veulent accéder à des transactions réservées aux institutionnels.

Pour ces clients, nous avons travaillé sur une solution 100% secondaire intégrée dans un véhicule Evergreen.

Peux-tu m’expliquer ce qu’est un véhicule Evergreen et en quoi il répond aux besoins de nos clients ?

Un véhicule Evergreen, ou bien aussi appelé fonds ouverts, a cet avantage d’enlever la complexité du private equity traditionnel :

  • il est à tirage unique, donc pas besoin de suivre les appels de fonds,
  • il investit régulièrement au gré des souscriptions qu’il prend chaque mois,
  • il offre des options de rachat trimestriellement, et en ce sens il est dit semi-liquide, mais je préfère dire plutôt semi-illiquide,
  • il offre une performance cible compréhensible d’un client privé, on ne raisonne plus en TRI mais en performance qui s’applique sur la totalité de l’investissement.

Comme il ouvre des fenêtres de liquidité, il a l’inconvénient de détenir une poche de cash obligatoire de 10 à 20% qui dilue la performance globale.

Et comme il est ouvert, les mouvements du passif perturbent la performance embarquée par les actifs.