
Sophie NOUY
Directrice du Pôle d’Expertise Patrimoniale – Cyrus Herez
Sommaire
Organiser sa succession sans conjoint ni enfant soulève de nombreuses questions, à la fois familiales, juridiques et fiscales.
En l’absence de descendants directs, la loi prévoit une dévolution parfois éloignée des souhaits du défunt. Pourtant, quelques décisions simples (testament, assurance-vie ou clauses de transmission) permettent de préparer efficacement sa succession et de transmettre son patrimoine aux personnes réellement choisies.
Qui hérite lorsqu’on souhaite organiser sa succession sans conjoint ni enfant ?
Si aucun testament n’a été rédigé, la loi désigne les héritiers selon un ordre précis.
- S’il reste les deux parents : chacun recueille 25 % de la succession, et le reste revient aux frères et sœurs à parts égales.
- S’il n’y a plus de parents vivants : le patrimoine revient intégralement aux frères et sœurs.
- En l’absence de fratrie : la succession est partagée entre les branches paternelle et maternelle, au profit des ascendants ou, à défaut, des oncles, tantes et cousins.
Ce cadre, très normé, ne reflète pas toujours les relations familiales réelles ou les intentions du défunt.
Exemple
Prenons le cas d’Alexandre, 52 ans, divorcé, sans enfant, disposant d’un patrimoine de 10 millions d’euros dont 3 millions de liquidités.
Sa mère est toujours en vie et il a trois sœurs : Hélène, Anne (avec laquelle il est fâché) et Claire, mère d’un jeune homme, Charles, qu’il affectionne particulièrement.
Sans dispositions particulières :
- Sa mère hérite de 25 %, lourdement taxés (jusqu’à 45 %), soit un héritage net de 1 650 K€ ;
- Chacune de ses sœurs recueille 25%, ce qui représente 1 100 K€ nets.
- Résultat : Anne, malgré leurs différends, perçoit la même part que les autres, tandis que Charles, très proche d’Alexandre, n’hérite de rien.
Au décès de sa mère, chacune des sœurs reçoit 450 K€ après avoir subi une nouvelle fiscalité (par hypothèse 20%).
En synthèse : après le décès d’Alexandre puis de sa mère, chaque sœur a reçu 1 550 K€ soit un actif net global de 4 650 K€.
La transmission ne correspond donc ni à la volonté du défunt, ni à une optimisation fiscale.
| Bénéficiaire | Patrimoine net reçu après le décès d’Alexandre puis de sa mère |
| Hélène | 1 550 K€ |
| Claire | 1 550 K€ |
| Anne | 1 550 K€ |
| Charles | – |
Comment organiser sa transmission sans conjoint ni enfant selon ses volontés ?
Plusieurs solutions permettent d’ajuster la transmission et d’en réduire le coût fiscal.
Utiliser l’assurance-vie pour les liquidités
L’assurance-vie est un instrument souple et fiscalement avantageux.
Elle permet de désigner directement les bénéficiaires de son choix (membres de la famille, neveux, amis) tout en bénéficiant d’une fiscalité réduite (notamment si les primes ont été versées avant 70 ans).
Dans le cas d’Alexandre, il pourrait investir 3 M€ en assurance-vie et ainsi elle lui permettrait de gratifier son neveu Charles (et/ou ses sœurs), sans passer par la succession classique.
Rédiger un testament
C’est l’outil le plus simple pour orienter la répartition du patrimoine.
Il peut prévoir :
- des legs en usufruit (ex. : la mère d’Alexandre conserve l’usage d’un bien, tandis que la nue-propriété revient à ses proches choisis) ;
- des legs résiduels, permettant à un premier bénéficiaire de transmettre au décès ce qu’il n’aura pas consommé, sans double imposition.
Exemple
Prenons le cas où Alexandre mettrait en place cette stratégie :
- Alexandre investit 3 M€ en assurance-vie dont la clause bénéficiaire désigne Charles ainsi que les 2 sœurs avec lesquelles il s’entend bien ;
- le testament désignerait sa mère légataire pour 1 M€, à charge pour elle de transmettre à son neveu ;
- les deux sœurs dont il est proche sont légataires du solde de la succession (6 M€).
La situation après le décès d’Alexandre puis de sa mère est très différente :
- Chacune des 2 sœurs qu’il souhaite gratifier a reçu 814 K€ de capitaux décès d’assurance-vie, et environ 1 650 K€ d’actif successoral, soit un patrimoine net de 2 460 K€ ;
- Anne n’a rien reçu ;
- Charles a recueilli environ 815 K€ de capitaux décès.
Les personnes chères à Alexandre ont donc reçu un total de 5 735 K€, soit 1 080K€ de frottements fiscaux évités par rapport à la situation initiale. Le patrimoine a ainsi été fléché vers les membres de la famille qu’Alexandre souhaitait gratifier.
| Bénéficiaire | Patrimoine net reçu après le décès d’Alexandre puis de sa mère |
| Hélène | 2 460 K€ |
| Claire | 2 460 K€ |
| Anne | – |
| Charles | 815 K€ |
Nos convictions
- Même en l’absence de descendants directs, il est essentiel d’organiser la transmission de son patrimoine ;
- L’assurance-vie permet de gratifier les personnes que vous souhaitez privilégier avec une fiscalité souvent moins lourde que la succession ;
- Établir un testament avec un legs démembré ou résiduel permet de transmettre certains biens successivement à plusieurs légataires, dans des conditions fiscales de faveur.



